Dans quels cas le bailleur peut-il déplafonner le loyer ?
Le loyer d’un bail commercial est en principe plafonné. Néanmoins, le bailleur a la possibilité de déplafonner le loyer, notamment en cas de modification notable des facteurs de commercialité (article L. 145-34 du Code de commerce).
En cas d’une modification matérielle des facteurs ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le montant du loyer révisé (révision triennale) peut être déplafonné pour correspondre à la valeur locative.
Modification matérielle des facteurs locaux de commercialité
Notion de facteurs locaux de commercialité
L’article R. 145-6 du Code de commerce dispose que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré :
- l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé ;
- du lieu de son implantation ;
- de la répartition des diverses activités dans le voisinage ;
- des moyens de transport ;
- de l’attrait particulier ou des sujétions que peut représenter l’emplacement pour l’activité considérée ;
- des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
Du fait de l’utilisation de l’adverbe « principalement », cette liste n’est pas limitative.
Les facteurs locaux de commercialité les plus fréquemment constatés sont liés au développement des transports (création d’une gare, d’un arrêt de bus, d’une station de métro, etc.) et à la construction de nouveaux immeubles. Ils peuvent également consister dans l’installation de commerce de luxe à proximté du magasin dont le bail est n renouvellement.
Prise en compte de la modification des facteurs
Pour être prise en considération, la modification des facteurs locaux de commercialité doit :
- être matérielle, c’est-à-dire qu’elle doit porter sur des éléments concrets (ne sont ainsi pas pris en compte les projets tant qu’ils ne sont pas réalisés. Par exemple, les immeubles n’ont pas été construits) ;
- être locale, c’est-à-dire liée au quartier ou à la ville en fonction des circonstances ;
- avoir une incidence sur le commerce considéré.
Attention : la preuve d’une modification matérielle doit être rapportée. Aussi, le locataire ne doit-il pas hésiter à demander au propriétaire de lui fournir tous les éléments sur lesquels ce dernier se base pour demander un déplafonnement du loyer.
La modification doit, en principe, avoir eu lieu entre la précédente fixation ou révision du loyer et la demande en révision.
Les juges apprécient au cas par cas la modification des facteurs locaux de commercialité.
Évolution de la valeur locative
Notion de valeur locative
Il n’existe pas de définition de la valeur locative.
Faute d’accord amiable des parties, l’article L. 145-33 du Code de commerce énumère cinq éléments que les juges doivent utiliser pour la déterminer :
- les caractéristiques du local considéré ;
- la destination des lieux ;
- les obligations respectives des parties ;
- les facteurs locaux de commercialité ;
- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Ces éléments s’apprécient dans les conditions fixées par le Code de commerce.
Ainsi, l’article R. 145-3 dispose que « les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération :
- de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
- de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
- de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
- de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
- de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.
Concernant les obligations respectives des parties, il convient de rappeler que si le bail met à la charge du locataire tout ou partie des charges et/ou des réparations et travaux qui incombent normalement au bailleur (propriétaire des murs), il s’agit d’un supplément indirect de loyer dont il doit être tenu compte lors de l’évaluation de la valeur locative.
En effet, l’article R. 145-8 du Code de commerce précise que les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
Par conséquent, le transfert des réparations et travaux doit en principe entraîner une diminution du loyer.
Variation de la valeur locative
En matière de révision triennale, l’existence d’une modification des facteurs locaux de commercialité n’est pas suffisante pour déplafonner le loyer.
En effet, elle doit par ailleurs avoir entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Cette variation peut être soit à la hausse, soit à la baisse.
Aussi le locataire ne doit-il pas hésiter à demander une diminution du loyer si toutes les conditions du déplafonnement sont réunies.
La période à prendre en compte pour déterminer s’il peut ou non y avoir déplafonnement est celle qui s’est écoulée entre la fixation du loyer initial et la première révision triennale ou entre deux révisions triennales.
Déplafonnement du loyer suite à une déspécialisation partielle
Lorsque le locataire ajoute à l’activité initialement prévue au contrat de bail des activités connexes ou complémentaires, le loyer révisé peut être déplafonné lors de la première révision triennale qui suit la déspécialisation partielle à condition que cette dernière ait, par elle-même, entraîné une modification de la valeur locative des lieux loués.
Déplafonnement du loyer justifié par des travaux effectués par le bailleur ou le locataire
les travaux effectués par le bailleur peuvent entraîner un déplafonnement du loyer, si ces derniers excèdent l’obligation normalement mis à sa charge, et s’ils ont une incidence favorable pour l’activité du locataire.
Concernant les travaux effectués par le locataire, ils peuvent justifier un déplafonnement du loyer lorsqu’ils modifient la caractéristique des lieux loués (article R. 145-3 du Code de commerce) ou lorsqu’ils constituent des améliorations des lieux loués (article R. 145-8).
Clause de déplafonnement du loyer
Le plafonnement du loyer à la variation des indices du coût de la construction (ICC) ou des indices des loyers commerciaux (ILC) n’est pas d’ordre public.
Le bailleur peut donc intégrer dans le bail une clause qui prévoit que le loyer du bail renouvelé sera fixé à la valeur locative.
Cette clause peut être également couplé avec la clause refusant le lissage voir paragraphe suivant.
Bien entendu, le candidat locataire peut conditionner sa signature du bail au retrait ou à la modification de ces clauses.
Lissage du loyer en cas de déplafonnement
Ce lissage issu de la Loi Pinel (Loi 2014 -626 du 18 juin 2014 ) permet au locataire d’obtenir que le loyer déplafonné n’augmente pas plus de 10% par rapport au loyer payé l’année précédente.
Le lissage du loyer sera appliqué sur plusieurs années durant la durée du bail renouvelé.
Cependant, cette disposition n’est pas d’ordre public.
Par conséquent, une clause contraire dans le bail peut donc priver le locataire de son bénéfice.
Par ailleurs, si le bail s’est terminé sans congé du bailleur, ni demande de renouvellement du locataire et si cette situation dure plus de 3 ans, après la date d’expiration du bail, le loyer sera alors fixé à la valeur locative sans application de la règle du lissage de 10%.
Le montant du loyer du bail expiré peut alors fortement augmenter.
Le locataire a donc tout intérêt de demander le renouvellement dans les trois ans qui suivant l’expiration du bail.